Epeluchures

Dans ma vision des choses, nous sommes tous magistralement complémentaires, parce que je regarde la nature et je vois comment chaque forme de vie s’insère dans une danse divine où chacun a sa place. Alors pour moi, chaque humain est une pièce indispensable. 

Le hic, c’est que pour que les complémentarités apparaissent, il faut que chacun.e exprime ce qu’il ou elle est au moment où il/elle est. 

Exemple ? Je me rappèle une collègue monitrice de camps de vacances, elle était en train d’étudier droit parce que son père était avocat. Mais elle, sa passion, c’était le jardinage. 

Je ne sais pas, finalement, si elle est devenue avocate. 

Le hic est que si lorsque son coeur lui dit d’aller vers les plantes, elle s’impose une norme externe, alors ce qu’elle porte d’unique, on y aura pas accès, ni elle, ni le collectif. 

Je sais pas combien de temps ça prendra pour que les passionnés de jardin se consacrent à leur amour des plantes, pour que les esprits férus de justice puissent devenir avocat.e.s même s’ils n’ont pas grandi dans le bon quartier ou n’ont pas d’argent pour payer leurs études, pour que les femmes qui aimeraient être mères au foyer puissent l’être sans s’imposer de carrière professionnelle « parce qu’une femme émancipée forcément doit travailler », pour que les femmes dont la passion est leur métier, et voudraient s’y consacrer pleinement ne s’imposent pas semi-volontairement d’avoir des enfants, et cetera, et cetera. Vous voyez où je veux en venir. 

Pour qu’on fasse ce qu’on aime même et surtout si ça nous fait peur.

Je ne sais pas combien de temps ça prendra mais je crois que le jour où chacun.e se mettra à sa propre place dans sa propre vie, tout ira mieux. 

Pourquoi j’écris ça ? 

Parce que quand j’avais quelque chose comme 10 ans, j’ai écris sur un bout de papier un truc comme : « liberté un jour je t’aurai. » 

Il y avait une autre phrase avec, et ça sonnait plus poétique, mais ça finissait par ça : liberté je t’aurai. 

Je savais que cette liberté était difficile à décrire. Libre, d’une certaine manière j’étais déjà libre, fille dans un pays qui donne des droits aux femmes, alphabète libre de parler et écrire, assez libre à la maison. Mais je sentais qu’il y avait autre chose. 

Et ces derniers temps, je sens que je l’ai. 

Pour moi, liberté et responsabilité ont toujours été sœurs. Et mon amie sociologue, Denise, me rappelle souvent combien la liberté finalement n’est qu’une illusion au vu de tous les paramètres et toutes les dynamiques sociales dans lesquelles je navigue. Elle a raison. 

Alors quoi ma liberté ? 

Libre de m’asseoir un moment laisser les mots couler sur le clavier parce que j’aime cette sensation

Libre d’écouter attentivement la personne qui n’est pas d’accord avec moi parce que c’est tellement plus passionnant que de lui mettre une étiquette, que de penser qu’elle n’a pas compris, que de lui fermer mon coeur, que de m’enfermer en moi. 

Libre de choisir parmi les possibles mais surtout : chercher à aller au-delà des choix visibles, on me dit c’est A ou B, moi je demande : comment on fait A et B (non pas dans une volonté de « plus » mais dans une volonté de « avec »)

Libre de me faire confiance non pas parce que je sais tout, non pas parce que je ne me casse pas la gueule de temps en temps, mais parce que je m’engage à suivre la voie du dedans et que je fais confiance à ma sincérité dans cette engagement. 

Libre de me sentir vivante … 

sans cases, sans destination autre qu’une sensation.

Ma prière, en ce moment, est d’avoir l’humilité suffisante pour recevoir. (s’il fallait dire recevoir quoi, alors ce serait : la vie. La vie, comment? La vie comme elle est) 

et comme les prières finissent toujours par être exhaussées, mon coeur se fait éplucher de ses couches de résistances et protection inutiles. 

Ça fait longtemps que je considère la vulnérabilité proportionnelle à la force. 

Je diras que pour moi la vulnérabilité est la qualité (au sens physique, comme lorsque l’on parle de la qualité d’un métal) d’être touché, ébranlé, mu, d’être impacté, de recevoir l’intensité, les vibrations, les informations de la vie. 

Le plus vulnérable étant alors celui ou celle qui est touché par un spectre plus large, plus vaste d’informations. 

Un peu comme si on comparait un cristal qui ne vibrerait (ne réagirait, ne serait mu) que par une seule fréquence, à un cristal qui lui vibrerait avec toutes les fréquences. 

Le deuxième a plus de capacités parce qu’il réagit à un spectre plus large de facettes de la réalité. 

J’ai toujours considéré que nous avons toutes et tous la même vulnérabilité. Je n’ai jamais gobé le truc que certain.e.s sont plus sensibles que d’autres. 

Moi je crois que nous sommes toutes et tous des cristaux qui vibrons avec l’entier de ce avec quoi nous sommes en contact. 

Après nos réponses à cela sont différentes. Comme lorsqu’on fait glisser un doigt sur le bord d’un verre et qu’en fonction de sa forme ou sa taille il produit un son différent. 

Bref.

Ce que je crois c’est que certain.e.s sont peut-être plus ou moins épluchés que d’autres. Là résiderait alors la différence. 

Le monde est fait pour les fruits à coque dure, en ce moment, je crois.

M’en fout. 

Pour que le noyau germe, il faut bien qu’il soit au contact de la terre, alors je me laisse éplucher.

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