De l’ail pour la fondue

Mon soundtrack ces temps oscile entre pouvoir et ambition d’un côté et surrender (don de soi) de l’autre.

Je m’explique: quand je fais des trucs à l’ordi, je mets souvent une série ou un film en fond sonore et ces temps c’est soit la série « Suits » soit le travail de Gregory Colbert: Ashes and Snow.

Deux mondes quasiment opposés.

Je me suis longtemps demandée que diable pouvais-je apprécier dans la série « Suits », ce n’est que du jeu d’égo, des histoires de magouilles, manipulation, argent et pouvoir.

Et après un certain temps, j’ai trouvé.

C’est la volonté, la volonté de gagner qui m’inspire dans cette série.

Un des personnages, Harvey, est constamment en train de chercher la meilleure manière d’avoir le dessus, de gagner la partie, à sa façon.

Et ça, je reconnais, il y a une part de moi qui l’a perdu en chemin.

Quand j’avais quatorze ans, j’avais besoin de trouver des sponsors pour financer mon émission radio. Et je me rappelle être assise à côté du téléphone, avec les pages jaunes devant moi et je téléphonais, une à une, les entreprises où je me disais : pourquoi pas eux pour me soutenir ?

Le souvenir est très vif. Sur 30 appels, il y avait 1 à 3 réponses positives.

Les réponses négatives je ne m’en souviens pas. Je raccrochais le combiné, traçais le nom de l’entreprise et composais le numéro suivant.

Par contre, les réponses positives ! Ah, ça ! Tout le paté de maisons était au courant. Je me levais d’un bon et je courais à travers la maison en criant et souvent, au moment de revenir m’asseoir à côté du téléphone pour continuer, je me disais que j’étais un génie.

Oh, ce n’était pas pour suivre quelconque méthode d’auto-suggestion, ni parce que sur youtube j’aurais vu une vidéo qui m’aurait conseillé de me parler positivement. Youtube n’existait pas, ou n’était pas arrivé jusqu’à chez moi en tout cas.

Je le disais parce que je le sentais. Parce que je sentais la génialité du moment et je me laissais la sentir en moi.

Puis, va savoir comment, c’est comme si la certitude d’avoir quelque chose d’important à gagner s’était usée.

Certes, c’est pas plus mal. Mes longues lectures de bouddhisme zen, la poésie, les nuits au clair de lune, au fond, je savais déjà que dans l’absolu, il n’y a rien à perdre, ni à gagner, il y a à être.

Je pressentais que peu de choses valaient la chandelle. Mais il y a eu une erreur de jugement dans mon évaluation de valeur.

Elle a été de croire que parce que le résultat de l’action finalement n’est pas si important, l’élan, le désir qui l’inspire n’est, lui non plus, pas important.

Par exemple: imaginons que j’ai le désir ce soir de cuisiner une fondue.

Est-ce que c’est important que je l’aie cette fondue ce soir ? Si elle ne reste qu’à l’état de l’image inspirante, le monde va-t-il s’arrêter ? Evidemment non.

Par contre, ce qui est important c’est le désir et en lui la force en train de se mouvoir, le mouvement lui-même et toutes les potentialités qu’il contient.

Peut-être s’il est fort, il me poussera à sortir sous la pluie, parce qu’au village je sais déjà que le gruyère ne se trouve pas, je prendrais alors peut-être le vélo, et je roulerai quelques kilomètres jusqu’à cette ferme qui en produit.

De l’ail, je n’en ai pas vu à l’épicerie ce matin, alors j’irai sonner à la porte des voisins que je ne connais pas encore.

Est-ce que ces choses sont importantes ? Est-ce que c’est important de faire quelques kilomètres sous la pluie à vélo ? Pas spécialement.

Est-ce la fin du monde une fondue sans ail ? Bon, culturelement, selon qui répond ça pourrait être le cas, mais concrètement non.

Par contre ce qui est précieux, ce qui est fort, bon, doux, important c’est le force mobilisée.

Et peut-être lorsqu’on va trop loin dans relativiser l’importance d’un résultat atteint, on jette au même temps la reconnaissance de la force prête à se mouvoir en nous, prête à exprimer la vie.

c’est pour ça que cet irracible Harvey, je l’aime bien. Il me rappelle qu’on peut se prendre au jeu et que c’est le jeu qui est important.

Par ailleurs, je disais donc que quand ce n’est pas « Suits » en fond sonore, c’est le magnifique travail de Gregory Colbert: Ashes & Snow. C’est plus que de la poésie, c’est plus que de l’émotion, c’est plus que de l’art à mes yeux. C’est de la vie pure. Pour moi ces images, ces mouvements, cette musique viennent me parler entièrement, comme s’ils entraient en moi par les pores, par le souffle, par le son, par l’invisible.

Et dès que j’entends le son ou que je regarde une des images, c’est mon âme qui reprend le pouvoir, le seul qui lui importe, celui d’être.

Et alors depuis cet état, je peux recommencer à bouger, suivre une action inspirée.

Écrire, par exemple.

Vous savez avec qui j’ai pris un thé matcha aujourd’hui ? Avec une poète dont les poèmes ont été publiés par une maison d’édition.

Et je viens de lui envoyer un mail avec quelques un de mes écrits.

Itération.

Comme le cycle des saisons, c’est un truc qu’on oublie l’itération.

C’est pas la première fois que j’envoie mes écrits à quelqu’un du milieu littéraire.

Mais vous savez quoi ? c’est la première fois que je le fais aussi sincèrement pour le geste lui-même, pour l’élan, pour la source d’où naît l’envie de le faire sans intérêt pour le résultat ni l’issue.

Harvey joue à gagner du statut, à gagner le fait d’avoir raison et d’être le plus fort.

Moi je joue à trouver cet endroit où l’action se mêle quelque part à la non action.

Arf, combien c’est bon.

Combien c’est bon de jouer et de suivre ses désirs, d’apprendre à les lire et leur répondre. Un peu comme s’ils étaient parfois des chevaux fous, ne pas les laisser nous amener là où il veulent mais les laisser nous transmettre leur force.

Arf, c’est bon.

Savourez vos désirs, ne les juger pas, ne les classer pas, savourez les, trouvez leur essence et buvez-là, comme un élixir de vie…

Encore


Merci pour votre lecture 🙏

Ce texte est aussi sur mon blog où vous en trouverez d’autres.

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#écriturecréative #philosophiedevie #récitsdevie

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