Vie & Créativité

Chester m’a suggéré d’écrire un article sur la créativité et le lien entre créativité et musique. 

J’ai pris des notes puis j’ai laissé passer quelques jours. 

Ce matin, par hasard, je me suis retrouvée face à un interview du Dr Daniel E. Lieberman sur l’importance de la force de nos pieds devenus faibles à cause des chaussures, puis un interview avec Mo Gawdat sur l’intelligence artificielle. 

Tout ça dans la cuisine où il fait 35° en pleine ville de Milan. 

Et alors ? 

Mo Gawdat a fait référence au Soufisme «Pour être en paix il faut mourir avant d’être mort ». 

Ceci avant que la conversation ne s’oriente vers des prédictions sur l’avenir de l’humanité en relation avec l’utilisation des intelligences artificielles. 

C’est là, entre ces deux informations, la citation soufie et la projection sur le futur que j’ai fait un zoom arrière. 

J’ai porté mon attention non pas sur le contenu que j’étais en train d’écouter mais sur le fait que j’étais en train d’écouter deux personnes échanger des informations oralement pendant que j’étais statiquement assise sur une chaise. 

Il est vrai que ces informations nommaient de près ou de loin des réalités tangibles. 

D’une part : mes pieds et d’autre part : un « outil informatique » – est-ce comme cela que l’on peut définir une IA? qui clairement a une influence sur la priorisation des informations diffusées collectivement à grande échelle (cf. L’écologie de l’attention de Yves Citton) et peuvent donc finir par impacter les comportements des consommateurs ce qui à son tour impacte l’économie mondiale et par conséquent la gestion des ressources et finalement ce qu’il y a dans mon assiette. 

Mais même si lors de ces deux entretiens, il était question de choses plus ou moins concrètes, une part du discours a fini par se porter sur une hypothèse (une version du futur), et la façon de présenter les informations s’approchait de l’affirmation d’une évidence. Le tout n’étant donc pas loin de la question d’avoir tord ou raison. 

Vrai ou faux que nos pieds sont plus faibles que ceux de nos ancêtres ?

Vrai ou faux que les IA auront tel ou tel impact ? 

Non loin de là, marchait sur la pointe des pieds… la notion du pouvoir, non la puissance intrinsèque, mais le pouvoir, celui qui dépend de la force que l’on opère sur un autre. 

Car si je détiens une information vraie … alors on va me croire… alors s’en suivront des actions alignées à cette possible nouvelle certitude. 

J’ai pensé à la quantité d’espace-temps humain occupée quotidiennement à recevoir de l’information de façon statique pour ne pas dire passive. En d’autres termes, combien d’heures de présence humaine au quotidien sont consacrées à recevoir de l’information (podcast, livres, interviews) sans mobiliser ni engager le corps autrement que par nos yeux et/ou nos oreilles ?

M’est alors venue la question de l’équilibre entre l’espace temps-énergie consacré à consommer (recevoir) des informations (ou des trucs) et l’espace temps-énergie dédié à créer (donner) des informations (ou des trucs – incluons dans trucs aussi les émotions). 

Certes une information nouvelle peut encourager un mouvement. 

Par exemple, si dans mon équilibre cognitif actuel je pars du principe que le cygnes sont toujours blancs et j’apprends qu’il en existe des noirs, il va me falloir un mouvement mental pour réorganiser mon équilibre « cognitif » ou ma vision de ce qui est et intégrer ces différentes informations dans ma vision. 

Dans l’exemple ci-dessus, le mouvement cognitif qui me permet d’associer ou ré-associer des concepts est généré par l’arrivée d’une information rationnelle par contraste avec ce qui pourrait être une information sensorielle comme le changement de température dans la pièce. 

Alors qu’en est-il des situations où ce n’est pas que mon mental qui reçoit une info ? Et le corps ? Et le coeur ? Et un truc en plus qui existerait peut-être comme l’âme par exemple ? Ou l’esprit au-delà du mental ? 

Suite à la platitude de ce moment vécu à écouter un échange d’informations transmis par oral, enregistré en différé (il n’y avait donc même pas la notion de direct), dans un contexte où ma seule action a été d’écouter, j’ai eu envie de me pencher sur ce qu’un mouvement créatif demande, par opposition à un moment particulièrement proche de la passivité.

7 éléments clés du processus créatif : 

  • Un processus créatif, une action de création ne peut avoir lieu que ici et maintenant. Même si ce que je suis en train de construire est une projection mentale sur l’avenir, c’est ici et maintenant que je suis en train de la créer. En d’autre termes, l’acte créatif dépend de notre capacité à et notre façon d’être présent. Plus j’ai la capacité d’engager dans ma présence l’entier de mon être et non seulement mon mental, ou seulement mon corps pendant que je pense à être ailleurs, plus mon acte créatif sera riche, porté par une multiplicité d’inspirations. 
  • L’acte créatif dépend de notre puissance et non de notre pouvoir. Faisant ici la distinction suivante entre ces termes : Puissance en tant que capacité intrinsèque et force ; Pouvoir en tant que marge d’action dépendant de ma relation à l’autre.

    Exemple : la qualité d’un mouvement de danse dépendra de l’état physique de mon corps, de mes capacités physiques et mentales ( ma capacité à imaginer un mouvement par exemple), de ma proprioception, etc. mais non du fait que j’aie une influence sur la personne qui me regarde. La qualité du geste sera la même que je bouge devant une audience acquise à mon art ou face à un groupe de total inconnus. Nous pourrions ajouter dans l’équation ici le sentiment de confiance en moi qui pourrait être différent selon le contexte, mais encore une fois ce sera ma capacité à gérer mes perceptions qui déterminera la qualité de mon geste. Autre exemple : un.e CEO d’une multinationale peut avoir un pouvoir décisionnel impactant des milliards de personnes, cela ne dit rien sur la qualité de ce qu’il ou elle peut créer. 

    En découle que ce que je crée sera déterminé par ma puissance même si ma volonté est le pouvoir. C’est-à-dire : je peux vouloir créer un séminaire sur une nouvelle méthode pédagogique pour avoir du pouvoir sur un groupe d’enseignants, même si mon intention est le pouvoir, ma création dépendra de mes capacités intrinsèques, donc de ma puissance. Ce point peut sembler anodin, cela dit dans un contexte socio-économique où constamment il est question d’impact sur les autres, sur le marché, sur le public, il me semble utile de rappeler la distinction entre puissance et pouvoir. Appliqué au quotidien de certains artistes, me vient à l’esprit le commentaire suivant entendu dans une salle de répétition : «Avant de prendre 2 heures pour faire une story Instagram (impact sur autrui) il serait bien de travailler la composition  (travail sur la création dépendante des capacités intrinsèques) »
  • Suivant cette idée, la boîte à outil de création a son importance, car elle fait partie de la puissance créative. Selon l’oeuvre visée et la discipline, elle comprendra : la richesse du langage, la variété de connaissances, les capacités physiques, la capacité d’écoute, etc. Lorsque l’on considère la créativité au-delà des disciplines artistiques et que l’on parle de créer, par exemple, une certaine qualité de relation à soi, aux autres, ou un environnement de travail, ou des vacances, etc. devient alors encore plus évident la nécessité d’outils émotionnels et relationnels. 

    En d’autres termes, il n’y a pas que les artistes qui ont besoin d’être à l’écoute de leur imagination et de leurs émotions.L’écoute et la perception sont des outils indispensables pour tout type de création. 
  • La non association aux règles, ou autrement dit : considérer les connaissances acquises comme des outils et des réalités relatives non pas comme des limites à respecter. Exemple : Il était une fois une chanson que j’avais composée. Lorsque je suis arrivée auprès d’un guitariste pour créer un arrangement, il a considéré qu’un des accords était erroné et a voulu le modifier. Dans sa perception, il considérait une règle d’harmonie qu’il connaissait comme une limite à respecter. 

    Je n’ai pas continué la collaboration. 

    Quelques temps après, je me suis retrouvée avec un autre guitariste à qui j’ai présenté la même grille d’accords. Il n’a rien dit et nous avons construit un arrangement. Trois semaines plus tard il me dit : « J’ai enfin compris en quel mode est ta chanson » (mode musical). Au lieu de se figer à une première règle (celle probablement considérée par le musicien précédent) pour dire : « c’est faux », il est resté ouvert à découvrir une autre perspective, jusqu’à que les connaissances s’organisent et il trouve la perspective depuis laquelle ma grille d’accord faisait sens. 

    Qu’est-ce qui a pu faire qu’il garde cette ouverture et cette curiosité? En premier lieu, probablement, son bagage de connaissances assez grand pour qu’il sache ne pas tout savoir, puis il faudrait lui demander, une sensation que la composition fonctionnait comme elle était, que ça se « sentait » juste et qu’il n’y avait donc pas d’erreur.

    Je trouve que cet exemple illustre bien ce que j’entends par ne pas considérer une règle connue comme une limite à respecter car on ne sait jamais s’il n’y a pas une autre règle, dans une autre perspective, qui donnerait sens à ce que l’on a fait.
  • Ce qui m’amène au point suivant : s’extraire du juste, du faux, du bien et du mal et accueillir ce qui émerge dans une approche contemplative, d’écoute et de sensation : ce qui émerge comme création devant moi, de moi, comment est-ce que ça me fait sentir ? 
  • Chercher l’alignement entre la liberté (ou l’absence de liberté du processus créatif) et l’objectif.

    De façon caricaturale : si je veux une chanson avec quatre accords, un bpm a 120, une structure couplet – refrain – couplet – refrain, une ligne mélodique catchy et un arrangement électronique parce que je veux qu’elle passe en radio, inévitablement le résultat de mon processus créatif sera pré-déterminé par ces éléments et tout ce qui pourrait émerger hors de ce cadre ne sera pas pris en compte. 

    Un problème ? 

    Aucun, du moment que mon objectif est : ma chanson doit passer en radio. Mais si mon objectif est : je souhaite créer une chanson qui exprime l’émotion du deuil ou simplement : je sens que j’ai quelque chose sur le coeur et je souhaite le sortir de moi artistiquement alors clairement les contraintes imposées ne sont pas alignées avec mon objectif. 
  • Faire confiance à la structure intrinsèque du vivant : la musique est une information sensorielle structurée, les fréquences (notes) ont des rapports mathématiques réguliers entre elles ainsi que leur harmoniques, le rythme est structure. De la même manière que l’essence du vivant est mathématiquement structurée, comme les différents nombres de chromosomes par espèces. C’est là, il me semble, un argument de plus pour valoriser la nécessité d’être dans une posture d’accueil et de réception de ce qui arrive pendant le processus créatif. Faire confiance au fait que la structuration entre les différents éléments (mots, notes, mouvement, images, selon la discipline puis : relations, évènements, lieux, etc. si on parle d’une vie humaine) est portée intrinsèquement par chaque composante. Notre rôle serait alors de rendre la structure visible et/ou de la laisser émerger. 

Pour aller plus loin, il me semble qu’il s’agisse de se percevoir dans une dynamique de création constante où être alerte et présent.e aux flux d’informations (quel que soit leur type : conceptuel, sensoriel, etc.) dans une posture de contemplation, sans résister au flux d’information, sans s’associer à aucune de ces informations, simplement les contempler. 

Je finirai avec deux choses : quelques vers qui me sont arrivés lors d’un moment d’inspiration et que je n’ai fait que transcrire et une phrase de fin avec quelques éléments étymologiques pour que vous puissiez vous amuser à créer vos propres associations. 

Ci-dessous, les quelques vers, la version originales est en anglais

Pour toujours

Les gens disent “pour toujours” mais ils ne savent pas 

“Pour toujours” n’est pas une promesse, c’est une confession

Elle ne parle pas du futur
Elle révèle les origines
L’éternité qui se languit 

“Pour toujours” ne dit pas je vais
mais j’ai
J’ai porté ton image en moi jusqu’à aujourd’hui 
le jour où tu apparais 

“Pour toujours” signifie je suis 
chacun de tes rayons invisibles 
Comme tu es les miens 

Et la phrase de fin : 

L’instant de créativité est un instant de vérité. 

Etymologie de vérité : De l’indo-européen commun u̯erǝ-[1] (« ami, digne de foi, vrai »). 

Etymologie de foi : (Nom 1) Du latin fĭdem, accusatif de fĭdes, de l’indo-européen commun bheidh- (« avoir confiance »).

Etymologie de confiance : De l’indo-européen commun bheidh-  [1] (« foi, force ») .

Foi en sanskrit Shraddha (sanskrit IASTśraddhā ; devanagari : श्रद्धा ; « foi, fidélité »). 

Dans le védisme, Shraddha est une conviction intime qui renforce l’efficacité du rite  (…) Le fait de posséder la Shraddha peut même rendre superflu le secours des dieux2. »

Références prise sur Wikipedia 


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