Choisir sa souffrance.
Aha ?
Quelques préalables : nous sommes dans une ère de consommation, rien de nouveau sous le soleil, le bonheur évidemment s’est retrouvé sur les étagères.
Et de la même manière que la carotte, la bagnole, la maison, et l’objet série limitée, le bonheur est devenu le « must have », le truc indispensable.
Ah bon ?
Indispensable ?
Alors la course au bonheur est lancée.
Pour certain.e.s.
D’autres plus sages marchent et dans la marche se demandent, les jours qui pèsent, y aura-t-il un petit bout de bonheur à croquer au prochain carrefour, comme ça pour le plaisir, comme on croque dans un ragusa (chocolat) et ses noisettes, non par besoin, mais par désir.
D’autres encore ont re-définit la chose et pour eux « bonheur » est devenu synonyme d’équanimité, de paix intérieure alors ils ou elles naviguent, au centre de leur boussole, rarement perturbée, la paix, la sérénité, le bonheur.
Soit.
Et si au lieu de se demander si le Bonheur – au sens de circonstance favorable – est un choix, une décision, une grâce accordée des Dieux, un château (de sable) ou un hasard, on regardait sa sœur Souffrance.
Naturellement on l’opposerait au bonheur, mais n’ont-ils pas un lien ? Une résonance ? Ne feraient-ils pas partie d’un accord ?
Pour ce qui est du bonheur: est-il évitable ? Pourrait-on vraiment respirer l’entier de son existence sans jamais avoir été pris.e dans ses mains ? Peut-on s’y refuser jusqu’à la mort?
Pour ce qui est de la souffrance, il me semble, humainement nous serons majoritairement d’accord pour dire qu’elle est inévitable.
Alors, avons-nous un choix face à la souffrance ?
C’est l’idée de ce soir. Comme ça, une idée farfelue.
Il y aurait deux types de souffrance.
La première : celle de ne pas être dans sa vie. De rester au bord, le bout des orteils dans le courant de nos envies, de nos passions, de nos intuitions, de nos désirs, de nos talents, de nos rêves, de ces appels en soi qui frappent de temps à autre au coeur. Le bout des orteils, juste le bout des orteils.
Cette souffrance d’être à côté, à côté de soi, à côté du ruisseau d’eau vivante.
Cette souffrance tassée dans une routine subie, sous des verres en trop, des étreintes en moins, des étincelles de briquet faute de vrai brasier, des addictions à des vides de couleurs diverses.
Cette souffrance qui n’apporte rien, qui vient seule, sans personne au bras. Celle qui au pire baisse le volume de la musique et peint en mono-couleur, celle qui au plus pire assassine.
La deuxième : celle d’être dévoué.e à son étincelle personnelle, celle d’être au front les mains nues, seul le coeur armé de courage pour affronter la matière parfois si résistante à l’amour qu’on aimerait transformer en réalité, en expériences partagées, en paroles.
Cette souffrance d’être au bord, toujours au bord. Au bord du gouffre souriant nous invitant au saut, saut que l’on fait, sachant qu’il ne s’agit pas d’être rattrapé.e avant le sol, il s’agit d’avoir sauté, c’est tout.
Ce feu qui brûle tout. Du souvenir béquille à l’excuse bidon, et puis la peau surtout, la peau pour mieux effacer les cicatrices.
Cette souffrance qui marche le regard fier, au bras, toujours, d’une grâce réservée.
Cette souffrance qui s’ingénie encore et encore pour faire pousser des miracles au milieu du désert.
Cette souffrance qui donne ce qu’on lui a donné à l’infini.
Peut-être, il ne s’agit pas de chercher le bonheur, juste de choisir sa souffrance.
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