Les lacs souterrains

Avez-vous déjà quitté quelqu’un ?

Je crois que la seule personne qu’on peut quitter, temporairement, c’est soi-même.

Souvent on se quitte lorsque l’on reste trop longtemps là où les fleurs ont déjà fané.

J’ai toujours su que le coeur est un réflecteur de lumière savant, éclairant l’espace où doit se poser notre prochain pas.

Et qu’il suffit de sentir pour vivre.

Et pourtant…

Même si Khalil m’avait déjà dit que les crevasses taillées par la peine sont celles qui se rempliront de joie, je me suis éloignée…

J’ai feint de ne pas entendre tous les battements, j’ai prétendu aimer marcher dans le noir par défiance, par arrogance comme si marcher dans l’ombre était preuve de courage.

Je me suis éloignée et à chaque pas, plus grande la crevasse.

Si profonde qu’avec le temps, j’ai cru ne pas être capable de percevoir son fond. Comme si elle était devenue vivante et absorberait sans clémence tout ce qui y poserait son regard.

Gibran a raison, je l’ai toujours su. Depuis la première fois que j’ai lu ses lignes.

Khalil, aurais-tu pu dire à ton prophète que les crevasses se remplissent lorsqu’on s’y aventure, toucher la peine?

Aurais-tu pu ajouter qu’on n’y descend qu’accompagné?

Avec le temps, j’ai fini par croire que la douleur devenue fleuve souterrain, huileux et noir, finirait par se solidifier. Je pourrais alors marcher dessus sans la sentir. Est-ce que la pierre souffre ?

« Le deuil est de l’amour non exprimé» m’a dit Anya Ananda, me tenant le coeur alors que je frolais du bout des doigts la surface du lac souterrain.

Oh Khalil, tu serais fier de moi aujourd’hui.

J’ai appris que toute douleur est à la hauteur de l’amour qu’elle crie.

Et qu’il suffit d’entendre…

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires